Vendredi 8 avril c’est en retard et au pas de course que j’arrive au Trabendo, après avoir essuyé une panne de RER et une averse de neige bien drue (c’est bien de saison), une mise en condition idéale pour un programme musical tout doom (toudoum), tout dark, urbain, moderne et désespéré. Je débarque dans la salle alors que le groupe belge Emptiness a déjà commencé son set, bien lourd et lent, plombant à souhait. On peut déplorer que le son soit un peu brouillon malheureusement, cela rend peut-être mieux en fond de salle. Le groupe opère dans un style tantôt qualifié de post metal, tantôt de black death, voire de misery pop, ce qui est certain c’est qu’on n’est pas là pour se fendre la poire. C’est d’ailleurs leur objectif affiché puisqu’ils nous ont ouvertement promis de nous déprimer encore plus pour la dernière chanson… Avant de nous dire qu’en fait ce n’était pas fini et qu’ils allaient encore plus nous plomber ! Vous savez quoi écouter prochainement pour déprimer élégamment et en musique.

Setlist : 1) Go and Hope 2) Nothing but the Whole 3) Behind the Curtain 4) It might be 5) Ever 6) Not Enough 7) Ce beau visage qui brûle 8) Le mal est chez lui

Emptiness cède la place à un projet musical qui remplace Crown pour cause de Covid-19 dans le groupe, je ne connais pas du tout Author & Punisher, et le changement de plateau m’intrigue, car une grosse machine métallique, sorte de mix entre des platines, une imprimante, un percolateur et une chaîne industrielle est installée sur scène. Non seulement l’objet est beau, mais en plus il s’agit d’une « machine à tuer les fascistes », c’est marqué dessus, « These machines kill fascists », cela ne peut donc qu’être vrai non ? En tout cas ça attise ma curiosité, tout ce métal troué, ces câbles, cette carlingue aux allures à la fois solides et bricolées. Deux musiciens arrivent sur scène, Tristan Shone, la tête pensante de ce one man band, à la machine tueuse et au chant, ainsi que le très bon Douglas Sabolick d’Ecstatic Vision, Plaque Marks et A Life Once Lost comme guitariste de session. Je suis rapidement soufflée par le talent et l’inventivité de l’Américain Tristan Shone, ingénieur mécanique le jour et artiste la nuit, qui fabrique ses « drones machines » et « dub machines » à partir de matières premières et de circuits mécaniques open sources, qu’il considère comme des sculptures autant que comme des instruments. Ce doux dingue aux commandes de sa machine bruitiste crée des compositions metal indus pleines de contrastes, à la fois incroyablement lourdes et sensuelles, complexes, pleines de couches et de strates superposées, imbriquées, proches de la saturation. Ce chant des machines torturé et viscéral est psychédélique et sombre, dramatique, avec des incursions plus légères et surprenantes. Je pense à la fois à Drab Majesty, à Carpenter Brut, à Jessica93, à Gost, à Marilyn Manson, à Type O Negative, ce mix de doom, indus, metal, noise est riche en références mais est aussi unique dans son alchimie d’éléments mêlés avec inventivité. Le jeu de guitare de Sabolick est excellent et les deux musiciens occupent aisément la scène comme s’ils étaient 5 ou 6. La reprise de « Give me a reason » de Portishead est une pépite dont je recommande l’écoute à tout le monde. Je reste un bon moment dans l’ambiance de ce set qui était vraiment saisissant – mais profite quand même du changement de plateau pour aller faire un tour au merch’ pour aller prendre un t-shirt (parce qu’en plus d’un son de qualité Author & Punisher propose des designs de fou, il y a des gens qui ont tout que voulez-vous).

Setlist : 1) Drone carrying dead 2) Incinerator 3) Glory Box 4) Pharmacide 5) Maiden Star 6) Centurion

Vous qui êtes encore là abandonnez tout espoir, car une bonne grosse tranche de lourdeur et de déprime s’annonce encore avec le clou du spectacle, Hangman’s Chair, du sludge, stoner, doom metal made in Essonne et dont la réputation n’est plus à faire. Cédric Toufouti au chant et à la guitare, Clément Hanvic à la basse, Julien Chanut à la guitare et Mehdi Birouk Thépegnier à la batterie arrivent tranquillement, silhouettes à contre-jour en raison d’un éclairage venant de l’arrière, renforçant visuellement le côté mystérieux et atmosphérique de l’ambiance sonore. La musique nous tombe dessus, lourde, lente, pesante et syncopée, plus mélodique qu’il y a quelques années comme lors du set du groupe au Betiz Fest en 2019 par exemple, les quatre musiciens ont affiné leur son et leur univers. Le tout dernier album « A Loner », sorti en février 2022, est bien sûr le plus représenté, avec 5 titres bien accueillis par le public, mais peut-être pas autant que les 3 issus du précédent opus « Banlieue Triste », à savoir « Sleep Juice », « Naive » et « 04/09/16 ». On ne peut pas dire que les quatre lascars interagissent des masses avec les spectateurs, certes le bassiste et le guitariste en K-Way (pourquoi cette tenue, des jours plus tard je m’interroge un peu – on a les questions existentielles qu’on mérite) se penchaient vers le public en bord de scène en faisant des grands gestes de manches, au risque de nous mettre des coups dans le visage, et nous faisaient quelques grimaces, mais hormis ça ils ont déroulé leur concert sans parler, sans même quelques mots de transition entre les morceaux, la musique étant vraiment l’élément clef et se suffisant à elle-même. Ils sont même partis sans rappel, sans saluer, en laissant leurs instruments au sol ; on peut parler d’une mise en scène humaine dépouillée, abrupte, minimaliste. Ils sont heureusement revenus faire quelques checks avec les fans qui étaient restés et les réclamaient, mais la fin était abrupte (bon ceci dit le Trabendo est plutôt à cheval sur les horaires de fin, même quand il y a un léger retard de début comme c’était le cas pour le set de Hangman’s Chair, et le guitariste nous a fait signe en mode « l’heure c’est l’heure » avec un sourire en indiquant sa montre à son poignet. C’était l’expérience d’une date sur la tournée bien nommée « En evening with loners », un programme sur mesure pour introvertis intenses, sur scène comme dans le public !

Setlist : 1) An Ode to Breakdown 2) Cold and Distant 3) Who wants to die old 4) Storm resounds 5) Naïve 6) Sleep Juice 7) 04/09/16 8) Flashback 9) Dripping Low 10) Second Wind 11) A Thousand Miles Away

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